D comme Dentiste

C’est un grand classique, et bien qu’aujourd’hui je n’aie quasiment pas de phobies, j’ai longtemps vécu mes visites chez le dentiste comme un traumatisme absolu. À leur décharge, ces malheureux quenottiers pratiquent une spécialité qui pendant longtemps a été à la médecine douce ce que le bazooka est à la flute de pan. Dans les années 70 encore, leur délicatesse et leur psychologie à l’égard des enfants n’était pas encore tout à fait au point, c’est un euphémisme. Je me dis que si seulement notre dentiste familial avait été d’un abord moins effrayant, peut-être serais-je parvenue à me faire une raison. D’autant que jouissant d’une excellente réputation il était incontournable dans le quartier. Mais voilà, étant bien malgré moi pourvue de dents, tout concordait pour que mon cauchemar soit total. Imaginez, un type d’un mètre quatre-vingts, proche du quintal, affublé d’une blouse blanche, cheveux blancs coupés en brosse et pour cause, cet ex-militaire, vétéran de la guerre d’Indochine n’était pas du genre à s’émouvoir du confort pacifique de la médecine urbaine. Non content d’être pourvu d’une paire de grosses lunettes qui accentuaient son air sévère, il portait sur le front un bandeau de loupes qui, lorsqu’il posait son regard sur moi, lui faisait des yeux énormes. “Une quoi, une anesthésie ? Pourquoi faire, elle est toute petite cette carie ! Allez, allez Madame, tenez votre fille pour ne pas qu’elle s’agite…”. Je dois toutefois admettre que grâce à ce traitement, je n’ai pratiquement jamais mangé de bonbons et me suis toujours rigoureusement brossé les dents, mon “tortionnaire” m’ayant bien fait comprendre que c’était la meilleure façon de le voir le moins souvent possible. Devenue adulte, ma maman ne pouvant plus m’y traîner de force, j’avais fini par prendre la fâcheuse habitude de ne consulter que lorsque j’avais trop mal. Il m’aura fallu rencontrer mon merveilleux dentiste actuel pour me réconcilier définitivement avec ces arracheurs de dents.

 

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