Il fait enfin nuit, tout le monde est là, la ferveur de l’attente collective est palpable. Les enfants crient, les parents s’impatientent ; certains déambulent pendant que d’autres sont déjà confortablement calés. Ça y est c’est parti ! La première fusée s’élève puissamment, sifflant le top départ. Il suffit de quelques secondes pour que l’enchantement opère et pour qu’immanquablement je me retrouve noyée de larmes. Dégoulinant bêtement malgré moi, je m’imbibe sans vraiment comprendre ce qui provoque cela. C’est tellement profond. Je suis plantée là, comme une andouille dégoulinante, les yeux rivés au ciel, bénissant l’obscurité qui me protège du ridicule. Sous ce déluge de couleurs, de bruits et de fumées, j’ai l’impression d’avoir trois ans, d’expérimenter l’excitation mêlée à la peur que l’on ressent enfant lorsque l’on assiste à son premier feu d’artifice. Lorsque bien qu’à l’abri dans des bras protecteurs l’on sursaute de frayeur tout en constatant le paradoxal enthousiasme des autres spectateurs. À moins que mon étrange état soit lié au bonheur qui pénètre par mes yeux, mes oreilles, mon nez et excite tous mes sens dans une intensité telle que j’ai du mal à gérer tout à la fois. Le moment est délicieux, meilleur encore dès que je prends conscience que ne parvenant plus à me contenir, je lâche prise, j’accepte de me laisser submerger, bénissant cette fois-ci le raffut assourdissant qui étouffe mes sanglots. Mais déjà l’apothéose, le bouquet final qui m’avertit de la nécessité de ravaler urgemment tout ce qui peut encore l’être. Il me reste peu de temps avant que la vie ne reprenne son cours. Dans cette odeur si particulière de poudre consumée, la fumée se dissipe. Entre les applaudissements de la foule et la frustration de ne pas en avoir eu assez, je finis d’éponger mes mirettes bouffies. Je suis vidée mais comblée, un peu hébétée, frustrée de couper brutalement avec toutes ces émotions. Je quitte les lieux… vivement l’année prochaine.