Il y avait dans le jardin de mes grands-parents, adossée à un vieux mur de pierres, une serre baignée de soleil, dont les vitres abritaient une abondante collection de cactées et de succulentes. Mon grand-père y rempotait, bouturait et entreposait fièrement les cactus qu’il tenait pour la plupart de son père. Lorsqu’en plein été il arrosait ses plantations, il aspergeait tout du sol au plafond. Dans de grands gestes généreux, il balayait de son jet d’eau chaque étagère de bois épais, créant instantanément une ambiance tropicale extraordinaire. Les gouttes d’eau qui dégoulinaient en pluie sonore humectaient la terre, produisant cette odeur si particulière qui embaumait l’air chaud et ravissait mes narines. Ce microclimat paradisiaque servait aussi de refuge à quantité de rainettes, des petites grenouilles d’un vert vif qui coassaient aussitôt sous ces averses providentielles. Quelle tentation pour la turbulente petite fille que j’étais ! Armée d’un bâton pour prolonger mon bras et me permettre de les déloger sans me piquer, je me transformais alors en chasseuse de batraciens. Dès que je les titillais pour qu’elles se rapprochent de moi, elles bondissaient en émettant un jet liquide témoignant probablement de leur frayeur. La tâche était ardue et occasionnait parfois quelques regrettables incidents, comme lorsque je renversais une plante ou que l’une des malheureuses fuyardes venait à s’empaler sur l’épine d’un gros cactus. Ma mission accomplie, mon butin humide et palpitant logé au creux de mes mains, je me ruais dans la cuisine, l’antre de ma grand-mère. Avec complicité, elle me rapportait alors du garage un bocal que nous remplissions au tiers d’eau, dont nous percions le couvercle de quelques trous et auquel, pour un confort parfait, nous rajoutions une branche. Ma prisonnière ainsi relogée je pouvais alors, le reste de l’après-midi, l’observer en me sustentant d’un sandwich pain-beurre-chocolat, quatre-heures incontournable des grands aventuriers !
F comme Feu d’artifice <– –> H comme Haricots
