L comme Liste

Je ne compte plus le nombre de listes qui peuvent régir une vie : listes électorales, liste de mariage, de naissance, de courses, de fournitures scolaires, d’aliments avec, ou sans… Pour être honnête, rares sont celles qui m’enthousiasment. Pour parer à cette frustration, je me suis amusée à créer ma propre liste, mon inventaire personnel de tout ce que je kiffe. Un recensement dans lequel je peux puiser mentalement au besoin, dans ces petits plaisirs de la vie, anodins, farfelus parfois, qui me comblent de joie. Comme par exemple le fait d’être exaltée par le parfum d’une fleur de magnolia ou de l’herbe fraiche humectée par la rosée ; par l’odeur savoureuse du pain grillé, du beurre fondu, de mes poupées en plastique dont je détachais la tête enfant pour en humer l’intérieur. J’ai des frissons de bonheur lorsque la radio diffuse un titre que j’adore et que je n’ai pas écouté depuis longtemps, quand miaulent des bébés chats, que sonnent joyeusement les cloches d’une église, que sur le sable d’une plage des vaguelettes bruissent paisiblement. Je me délecte d’entendre pétiller les feuilles des arbres dans la brise, du crépitement du plancton sur la coque d’un voilier, de la toute première cigale de l’année et de leurs concerts aux heures chaudes. Je savoure le simple fait de faire un bon gros pipi et de me réchauffer au soleil, de parvenir à déloger cette foutue graine de framboise que je traque depuis cinq minutes avec un cure dents, mais aussi de m’allonger dans mon lit claquée, en ayant la sensation de fusionner avec mon matelas. Je jubile à la vue d’un ciel nocturne totalement pur et chargé d’étoiles, d’une grande étendue de neige vierge scintillant au soleil. J’aime voir ma lessive tourbillonner à travers le hublot du lave-linge et savourer ma satisfaction d’avoir enfin classé six mois de paperasserie accumulée… Et quand bien même il m’est impossible d’échapper au dictat des autres listes, mon inventaire insolite a au moins le mérite d’être l’un des seuls à me faire du bien.

 

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