M comme Madgascar

“Quelqu’un vient de se désister, ça te dirait de faire un voyage à Madagascar ?”. À vrai dire, je ne sais pas pourquoi j’ai répondu par l’affirmative. En vérité je ne voulais pas y aller, comme si je sentais que j’y abandonnerais à vie, un petit bout de mon âme. Sur cette île verte devenue rouge, tant ses sols ont été épuisés, scarifiés, cette île qui manque de tout mais pas de “tous”. Il n’y a pas eu une halte d’où surgissaient de nulle part des essaims de gamins, plus beaux les uns que les autres, plus pauvres aussi, dont les regards curieux, rieurs, timides parfois m’ont transpercé le cœur comme le ferait l’épée d’un matador. Ces enfants qui, la main toujours tendue, poursuivent chaque étranger, chaque “Vazaha” pour tenter de lui soutirer tout et n’importe quoi. J’y suis allée en touriste naïve, j’en suis repartie en spectatrice désemparée. Je me suis fait la promesse que je ferais quelque chose, que j’aiderais, et puis, et puis… comme beaucoup, j’ai occulté. Réfugiée derrière le caractère dit “organisé” de ce voyage, je n’ai pourtant entrevu qu’une version aseptisée, lissée de cet autre monde. Un monde si différent du mien, à mille lieues de chez moi et de l’opulence de ma vie, au regard de la leur. Accueillie dans des hôtels dont le luxe creusait chaque jour un peu plus le fossé entre le confort de mes nuits et l’inconfort de mes journées, je découvrais à chaque étape un nouvel univers, une diversité d’ambiances, de paysages dont la richesse parfois subtile ne saute pas immédiatement aux yeux. Sans parler de ces malgaches souriants pour la plupart, fatalistes pour beaucoup, qui m’ont bouleversée avec leurs discours, évoquant tour à tour une époque coloniale regrettée ou l’existence de puissants marabouts capables de se métamorphoser en bêtes sauvages. Baobabs et lémuriens auront beau se pavaner pour détourner mon attention, rien n’y fera, un morceau de moi est resté là-bas.

 

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