Âmes sensibles s’abstenir, sachez que la bête onychophage sommeille en moi. Elle est là, en embuscade, prête à surgir à la moindre tentation car, même si je parviens à la maitriser la plupart du temps, oui je l’avoue j’adore me ronger les ongles. Mes rechutes ne tiennent à rien, un coin trop long sur mon index, une peau qui dépasse sur mon pouce, une cassure et c’est la récidive. Aussitôt mes incisives se mettent en action pour cisailler et égaliser tout en veillant du bout des lèvres à ce que les morceaux découpés soient suffisamment généreux pour être croqués séance tenante. En effet, le produit se déguste généralement frais, même si je ne peux cependant certifier que les plus dépendants d’entre nous ne le stockent pas. Je comprendrais ici que certains ne désirent pas en savoir davantage, je poursuis tout de même pour les plus curieux et les initiés. Malgré l’aspect a priori grossier du procédé, mon travail de découpe est loin d’être amateur. Il convient en effet dans l’idéal de parvenir à sectionner sans déchirer afin que le résultat final soit globalement lisse, harmonieux et le moins sanglant possible. Un polissage sur mon jean contribue généralement à parfaire mon œuvre. Il va de soi que certaines de mes interventions sauvages et étourdies laissent parfois à désirer, dévoilant bien malgré moi aux observateurs les plus avertis, mon côté légèrement stressée et accro. Pour autant, hors de question de me priver de ces moments de plaisir hédonistes et rassasiants, si, si ! Qu’ils aient lieu dans les embouteillages, devant mon ordinateur ou ailleurs, je ne saurais me passer de la sensation tout à la fois craquante et moelleuse de mes délicieux petits bouts de chairs et d’ongles, de leur goût presque imperceptible mais sans égal. Et que dire du plaisir visuel et gratifiant d’avoir réussi une découpe presque parfaite. Que les manucures me pardonnent, je suis une intégriste de l’ongle rongé, naturel et imparfait, digne terminaison de ma personne.
N comme Neige <– –> P comme Palangrotte
